J'ai rencontré la semaine passée un monsieur. Il ne m'a pas dit son nom, mais moi je l'appelle le poète. Parce qu'il répond toujours des phrases bizarres, mais très jolies. D'ailleurs, il dit pas "Je réponds à une question" mais "Je t'offre une réponse. Une réponse, c'est comme un cadeau. On la donne, à nous d'en faire ce qu'on veut ensuite".
Un jour, je lui ai demandé :
- Pourquoi tu réponds comme ça ?
- Comme quoi ?
- Bah, pas comme les autres grands.
- Parce que je ne suis pas "un grand".
- Tu es quoi alors ?
- Je suis un grand enfant.
- Pourtant, tu parles pas non plus comme un enfant.
- Parce que je ne suis plus un enfant.
- Mais tu as dit que tu étais un enfant !
- Oui, un grand enfant. Parce qu'on m'a déjà donné beaucoup de réponses, mais que j'ai toujours beaucoup de questions.
- Ca tu as raison ! Un enfant, ça pose toujours des questions… Pis, ta question préférée, c'est quoi ?
- C'est "pourquoi ?".
- Pourquoi ?
Il a rit.
- Parce qu'elle peut tout expliquer.
J'ai acquiescé. Il n'a rien dit, je crois qu'il a compris que j'avais une question dans la tête.
- Pourquoi tu réponds à toutes mes questions ?
- Parce qu'il y a beaucoup à comprendre lorsque l'on est enfant. On a parfois besoin de réponses, c'est pour ça que tu poses des questions. Et je ne vois aucune raison de ne pas te répondre.
- Mon papa, il me dit toujours "tu comprendras quand tu seras grand".
- Il a raison, tu comprendras beaucoup de choses quand tu seras grand. Mais ce "grand" là ne se compte pas forcément en nombre d'année, et encore moins en centimètres. C'est en nombre de réponses. Réponses que l'on te donne, et réponses que tu trouves.
- Comment on trouve une réponse ?
- En cherchant bien.
J'ai souris. Il avait raison, quand on chercher quelque chose assez bien, on finit toujours par trouver une réponse.
- Je suis grand comment moi ?
- Juste un peu plus grand qu'hier et plus petit que demain.
- Et toi ?
- Moi, c'est comme toi, sauf qu'il y a plus d'hier et moins de demain.
- Et ta réponse préférée, c'était quoi ?
- "Rien n'est impossible, tant que tu y crois."
- Tu avais demandé quoi ?
- "Est ce que des gens peuvent vivre dans mes rêves ?"
- Pourquoi tu avais demandé ça ?
- Parce que Maman était dans mes rêves depuis qu'elle était partie.
Je n'ai rien dit, j'ai baissé la tête. J'avais bien compris que partie, dans sa bouche, ça voulait dire pour toujours.
- Fais pas cette tête la, Bonhomme. Je sais où elle habite, maintenant.
- Où ça ?
Il a mis la main sur son cœur, et moi, ça m'a fait mal. Il avait un sourire si triste que je n'osais imaginer combien de personnes habitaient là dedans. Ce jour là, je suis rentré à la maison avec une boule au ventre que Maman à dissipé d'un bisou sur le front.