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 Textes courts

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Vera

Vera

Messages : 7
Date d'inscription : 31/10/2010
Age : 36

Textes courts Vide
MessageSujet: Textes courts   Textes courts EmptyLun 1 Nov 2010 - 9:15

CORRUPTION

       
               Le vieux sage assis figé, posté c’est-à-dire posé ou plutôt placé entre les Colonnes du Temps, vieux péristyle à demi délabré où venaient se coller les algues mauves et vertes que rejetait la marée que projetait que violentait le vent qu’emportait le tempête et qui venaient s’échouer se plaquer s’enchevêtrer nues et lisses et déchiquetées sur le marbre blanc, strié comme à la mode antique, il (le vieux sage) était placé dans sa posture inébranlable et le dos droit tendu crispé méditant les yeux clos fermés sur le monde intérieur où palpitait si peu de vie qu’il ne devait rien y avoir d’intéressant, il restait là scrutant son intérieur où clapotait la mer d’où s’envolaient les vieilles algues pourries déchiquetées sans doute par un monstre marin de ce temps-là, dont les dents s’essayaient sur tout qui dépeuplait la mer qui peut-être avait lui-même agressé les colonnes tronquées rongées érodées défigurées par l’âge et corrodées par le sel et les vapeurs étranges qui descendaient du ciel en tourbillons bleuâtres rosâtres perdus dans l’incommunicabilité divine ou quelque chose d’assez obscur hermétique impalpable pour paraître possible, il scrutait son vide — il n’avait rien consommé depuis qu’il s’était assis là, quelques siècles plus tôt, il n’avait pas varié, le vent remuait les cheveux qui neigeaient sur ses épaules, les boucles de sa barbe vénérable immense et propre malgré l’immobilité parce que rien de l’infection qui l’environnait ne voulait se frotter à lui son assise sa puissance — et les genoux croisés suivant le modèle intensément calme, il songeait scrutant sa caverne le clapotis de la tumultueuse eau bleu pâle ou mauve invisible dedans lui-même et l’idée la notion de l’eau du calme du clapotis puis finalement du cadavre lui revenait sans cesse, il pensait vieille outre insulaire égarée là parmi les Colonnes du Temps, scrutant son absence de contenu son tout siphonné pompé par le néant mécanique invincible un peu plus fort que lui pourtant la mer attaquait l’île et la réduisait s’approchait du cercle des tronçons tranchants de colonnes striées blanches mais vertes et mauves et sentant puant la mer les animaux crevés la carcasse gisant au fond océanique et la statue (l’outre) assise imperturbable au milieu du socle attaqué par la vague lancinante abrutissante éclatant sur la rocaille sale un peu grise mais verte et mauve et puant la mer elle aussi, l’enveloppe corporelle sans force sans autre force que celle de rester posée là entre les colonnes décapitées jambes croisées sans âge et regard clos sur lui-même — sans doute la paupière était-elle trop lourde ou plutôt n’avait-elle plus assez de force pour s’ouvrir et laisser voir l’œil, l’horreur de l’œil qu’il fallait deviner possédant l’immonde acuité de cette sorte d’œil accoutumée à voir sans s’ouvrir, fixé mort pourri crevant et sentant la marée molle — la tête oscillant mollement sur la vertèbre supérieure petit os petit corps balloté par la brume rosâtre et bleue qui tombait du ciel en volutes qui se perdait qui s’entraînait qui n’entraînait rien d’autre et qui puait la marée comme le vieux puait la mort, les sourcils froncés maintenant le calme homéostat pileux se rejoignant épais barrant le front le striant d’un pli primitif touffu sans soin mais vénérable, et la barbe blanche et vieille — elle aussi vénérable — étendant sa pointe étirée comme un tapis les oreilles poilues de gnome sage assis sur un trône à même la terre, car la terre d’une île est trône aussi longtemps que les dents qui tronçonnaient les colonnes n’avaient pas érodé la rocaille jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un promontoire un îlot un caillou un poste où serait placé, c’est-à-dire posé, le vieux petit corps puant la marée morte, et le nez, droit sage hypoténuse parfaite respirant les poils du visage et rejoignant la bouche noyée par eux qui fermée continuait d’avaler la mer, les lobes droits parallèles sereins vibrant dans le vent captant l’onde et s’emplissant du tumulte sous-marin que personne ne pouvait entendre à moins d’avoir un de ces coquillages creux tournés en spirale et sentant mauvais, la vieille outre assise entre les Colonnes du Temps et pensant à la mort comme on pense à manger au-delà de l’âge et dans l’île assiégée de bleu de rose et d’un fouillis d’algues molles qui conservaient plaquées sur les colonnes du péristyle attaqué défensif lui demeurant au centre inébranlable et maintenant par sa concentration la mer à distance, qui conservaient les stries d’un assaut carnivore de kraken terrible insurmontable enflammant les eaux soulevant les volcans et submergeant des mondes moins armés, tandis que l’autre sans se départir de son plus grand calme et de sa plus grande concentration perçut méditant les pas sourds dans son dos droit tenu droit tant de siècles comme marqué à l’équerre pour supporter la terre pour résister à l’écrasement pour devenir la treizième colonne se grandir et toucher tronçonné le ciel, déchiqueté comme une algue molle verte ou mauve et ne sentant plus rien dans le vide intérieur siphonné par le néant, mais ils (les pas) s’approchaient toujours dans son idée, lui (le vieux) scrutant son néant personnel invendu clapotant de mer vineuse après des siècles sans consommation croyant faisant croire simulant d’y trouver quelque chose d’intéressant de se passionner pour les parois attaquées par le suc bleuâtre ou rosâtre égarant son œil livide interne dans l’estomac pourri qui n’assimilait rien depuis l’aube des temps que comptaient les colonnes, feignant la passion pour l’imperceptible le pâle l’indistinct l’incertain l’inexistant pour montrer à l’intrus l’importun le trouble-fête hideux qu’il perturbait troublait menaçait l’édifice de concentration que la pierre assise érigeait géant gigantesque droit tendu dardé pointé sur le ciel l’accusant de déverser son bleu rosâtre et tourbillonnant sur la tombe l’île le péristyle incomplet pourrissant sous les algues moisies sentant le bleu le rose les dents la carcasse et l’œil fixé sur ce rien total, plus qu’une parodie de cadavre de sac d’outre à vin de véritable barbe blanche où perlait à présent la sueur de l’effort, non de l’effort fourni dépensé l’énergie gâchée gaspillée délivrée dans l’action pour se relever revenir à la vie c’est-à-dire à la notion d’animal en mouvement pensant ruant s’étirant se levant se couchant c’est-à-dire à la notion d’humain, mais l’effort de penser l’effort qu’il faudrait fournir pour revenir à la vie au mouvement à l’animal à l’humain, scrutant sa caverne intérieure où ne clapotait plus rien puisqu’il s’était détaché du monde pendant que les pas menaçaient son néant, simulant l’intérêt la passion méditative profonde pour le rien qui ne pouvait pas être plus intéressant que les pas c’est-à-dire que le quelque chose, préparant son effet — son effort — pour donner l’impression du sage dérangé du monde assailli fournissant sa défense, il se détourna de l’intérieur et regarda dehors, pour la première fois depuis des siècles bleus.
               Les pas le contournèrent pour se poster se poser s’immiscer en face droit devant l’œil livide revenu à la vie au mouvement à l’humanité de l’œil pour montrer (les pas) leur propre inhumanité, leur propre impossibilité ; l’œil rencontra les Yeux, verts écailleux piquants précipité de venin de serpent dans le lait maternel caillé mortel fissuré comme un plissement de planète abyssal plongeant jusqu’au plus profond de l’étant, de l’existant, du remuant du mort de l’intermédiaire où se trouvait le vieux qui tenait le monde, ils (les Yeux) crevaient l’espace en rayons ondulatoires chatoyants concentriques, cependant le temple — péristyle incomplet sentant l’algue — résistait œuvre d’un dieu mais les Yeux (toujours les Yeux) se faisaient insistants plus puissants plus présents puisant épuisant l’outre étirant la paupière exorbitant l’œil livide devenu presque animal presque humain tandis que le squelette assis, son œil crevé tourné vers le dedans l’autre valide tourné vers le reste, considérait dans sa stupeur la femme la guerrière la titanide souple longue lascive cruelle et dangereuse comme un félin oriental noyé perdu terrible au milieu des coussins de sa luxure odalisque ou bayadère encombrée de quincaillerie mortelle transbahutant l’arsenal des gigantomachies les cimeterres indestructibles les griffes rétractiles les sourires sans sincérité les Yeux verts bridés collés enchevêtrés plaqués d’algues pourries conservant dans leur totalité tronçonnée les vestiges des colonnes, garantissant la fin le désastre obscur la perte la descente au fond du maritime enfer de l’île dernière ultime surnageant encore sur le lait caillé vert tandis que le vieux sage — son seul œil horrible humanisé luisant d’ophiolâtrie finale — fixait sur elle à demi nue belle et terrible ou quelconque (le vide intérieur rempli par une vague de rose de bleu de vert de mauve et de lait caillé tourné pourri tombé du ciel en volutes divins noyant tout) et rien ne se savait plus entre les Colonnes du Temps malgré les siècles bleus la méditation la mort prévue les tronçons les dents les cavernes le sirop la sueur la barbe vénérable et les sourcils barrant contenant le ciel le désastre l’apocalypse encore un peu de temps prévu l’estomac vide et le vide autour prévu mort, les Yeux le vert le rêve comprenant tentant tout noyant la mer elle-même et prenant d’assaut l’île par tous les côtés à la fois, l’œil livide y plongeant voyant la femme sa mère sa solution son semblable son salut sa sœur, la perfection trompant l’attente vaine et stoïque où les Colonnes du Temps — le temps ne semblait déjà plus rien — soutenues par la force herculéenne du vieil impotent dos droit l’équerre la règle la rectitude et la concentration, croyant entrevoir là par sa validité l’œil moisissant se recouvrant de vert mais de mauve aussi d’algue de pourriture de mer, la vie monstrueuse attirante active, il (le cadavre assis, son seul œil ouvert, c’est-à-dire exorbité, paupière rétractée repliée plissée découvrant tout le blanc sanguin relief au bord de l’explosion) entreprit de se lever, se leva puis tout lui compris tout soudain par la force des mers tout s’effondra.
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Vera

Vera

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MessageSujet: Re: Textes courts   Textes courts EmptySam 13 Nov 2010 - 18:04


ARRACHEMENT


               Je pensais qu’en un entrepôt situé hors du temps, celui dont les dieux reviennent pour assister au spectacle irrésistible des humains pensants, la pureté primitive avait laissé ses jalons, souillures de sang sec sur la lame aux reflets plus froids qu’un mort. Je pensais vous revoir après la guerre, alors que le goût du feu me serait passé, comme on regarde avec dégoût la charogne aux courbes subreptices, noyée sous les draps, le visage enfoui dans un oreiller dont on voudrait l’étouffer, dès qu’un fol espoir de fécondation légendaire, erreur infiltrée dans la mémoire, a reçu sa récompense hideuse, et que le souffle et les esprits reviennent. Je pensais survivre un peu, le temps de vous revoir et de vous tuer, de vous éjecter du monde et de vous envoyer me rejoindre au pays sans couleur, dans lequel les plus grandes prostitutions n’ont pas tant d’importance. A force de planifier les désespoirs, le sursaut du monstre espérant l’apocalypse avait perdu de ses saveurs ; quelques coups de pelle de tranchée, quelques clochards éventrés sous les bancs publics, quelques églises debout dans un paysage retourné, puis les soleils bleus — seulement le gaz, inodore, annonçant les désastres — s’éclatant contre les fenêtres des cercueils, sous les arbres troués dont les branches n’ont qu’une feuille. J’avais craché sur leur visage : il fallait qu’ils volent pour moi la formule invincible, une photo d’école où les quatre de devant souriaient niaisement, tandis qu’au fond, petit embryon monté sur une estrade, à côté de la maîtresse, une salope diplômée, je me dressai sur la pointe des pieds pour voir l’objectif ; juché sur un camarade à peu près libéré par la baïonnette, entre deux sacs de sable, hésitant encore entre une mort anonyme — celle des héros des ossuaires, des mammifères inférieurs, des casqués du dimanche témérairement jetés sur la redoute — au champ d’honneur dévasté, troué d’obus de bas calibre, et la survivance à tout prix, proprement indécente, inique, imbécilité décrétée par un vieux souvenir pourri qu’on fait inconsciemment ressembler au bonheur, j’empruntai la voie du littoral, qui longeait les saules pleureurs, les roseaux fragiles et les canaris éclatés, les jappements des chiens absents, le clocher d’un temple noir et la mitraille politique. Je voulais vous revoir, quitte à renoncer à la décoration — deux trous dans la poitrine ou sur le front — des autres, les quatre de devant, partis ensemble et décidés à ne pas se quitter, soudés, coagulés pour ainsi dire, agrégés dans leur matière, boursouflés et globuleux ; la photographie n’était pas à mon avantage, avec le geste obscène — à cet âge ingrat de l’enfance, où la pensée n’a pas précédé le geste, on ne jouit pas assez du désastre — que j’infligeais à la maîtresse, une énorme femme accueillante, incarnation de l’abondance écœurante et des gluances de l’affabilité, forme physique des bontés dégueulasses, du sincère effort — magnifique et vain, quoiqu’odieux — d’humanisation, tendant dans ma direction les tentacules adipeux du berceau. Je voulais vous revoir, pour vous tenir enfin, vous que j’ai si longtemps, si fidèlement, si profondément détesté, pour vous expédier dans cet entrepôt, perdu dans — c’est-à-dire hors de — l’espace, ailleurs, là où les lois de l’horrible nature où chacun pousse autrui non pour le seul plaisir du massacre, mais pour remplacer de la merde sans identité par sa propre immondice, ne s’appliqueront pas quoi qu’il arrive ; et je voulais ardemment vous rencontrer là-bas, pour vous ternir l’éternité, sans physique entre nous, sans les balbutiements de nos raisons, sans les mesquineries de la petite comptabilité, sans les quatre cons de devant, sans la protubérante idée du bien-être, seulement nous, ma volonté, la vôtre, et les vapeurs de l’éther. Les brouillards dissipés du cauchemar — le vitrail brisé — laissaient la puanteur se vendre avec facilité ; l’immortalité, comme un dieu tonne en son cratère, imposait au crâne ses furieux impératifs. Le café perdu, la flaque à contourner, les monceaux de morts, dans le film incolore que je devais visionner plus tard sur l’écran du rêve, tout aurait la même image, un seul visage ; et votre expression, lorsque vous avez retrouvé les quatre cons de devant derrière l’église, avec la chèvre innocente au poil troussé, mais qui sont morts maintenant, car je serai le seul à crever de vieillesse ici, pour peu que la grosse ait la patience d’attendre mon retour. Je la paierai de ses attentions, lorsqu’au bout du chemin — les clochers sont droits, les cadavres sont assis, les enfants sont couchés — je rencontrerai l’école, un minuscule sanctuaire au-delà du temps, dans lequel les estropiés et les croulants recroisent les spectres sortis des poussières. La photographie sera là, car ils conservent tout, jusqu’au parquet pourri, jusqu’au raclement des chaises. J’entrerai, elle ira de l’estrade à la porte en se dandinant péniblement d’un poteau sur l’autre, envoyant de côté son ventre hideux dans lequel un adulte aurait pu dormir, me comblant de bienfaits comme au retour des batailles, redressant les chants nationaux, les généraux arthritiques, les médaillés dans leur formol à confiture et les discours de circonstance. J’aurais voulu vous revoir pour vous annoncer sa chute, entre deux pupitres d’écoliers haineux. Moi, revenu du front tandis qu’à l’arrière on arrêtait le travail dans les usines, moi, maudissant les pékins et les maîtresses, moi, puant, suant comme un goret, comme un gréviste en colère, moi j’aurais voulu vous revoir et vous remercier, vous, dont la médiocrité d’âme a fait un professeur de morale bon marché pour le suffrage des foules, vous, dont le regard de veau mort s’égarera dans l’alcool au décès du bovin, vous, dont les cheveux frisés à l’italienne ont la vulgarité virile et sensuelle d’un poseur de revues, vous j’aurais voulu vous revoir pour vous remercier d’avoir, par votre feinte indifférence et vos airs de carnaval, fourni les étrons dans lesquels j’ai pétri l’idée d’un lieu, triste et calme comme l’amour, où retentira, wagnérienne, la vérité sur la pourriture.
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